Actualité

La solidarité financière européenne

par Marion Turbiez-Miquel

Centre d’excellence Jean-Monnet
Université de Rennes 2
Institut d’études politiques de Rennes
Centre interdisciplinaire d’analyse des processus humains et sociaux (CIAPHS, EA 2241)


Appel à communications pour le colloque pluridisciplinaire :

La solidarité financière européenne – Identification des enjeux nationaux et territoriaux

Les 26 et 27 janvier 2017 à Rennes

Organisation :
CEJM, CIAPHS, Société française de finances publiques, Sciences Po Rennes (chaire territoires
et mutations de l’action publique), Université de Rennes 2.

 

Organisateurs:

  • Corinne DELON-DESMOULIN
    Maître de conférences en droit public – HDR- HC
    Université de Rennes 2 – CIAPHS et Centre d’excellence Jean Monnet de Rennes
    corinne.delon@uhb.fr

 

Comité scientifique :

  • Danielle CHARLES-LE BIHAN (Professeur de droit public Rennes 2, directrice du CEJM Jean Monnet)
  • Gil DESMOULIN (maître de conférences en droit public, Sciences Po Rennes)
  • Corinne DELON-DESMOULIN (maître de conférences en droit public, Université de Rennes 2)
  • Romain PASQUIER (Directeur de recherches, CRAPE-Arenes, Responsable de la chaire Territoires et
    mutations de l’action publique)
  • Jean-Christophe POUTINEAU (professeur d’économie à l’Université de Rennes 1)


Présentation générale :
Le 23 juin dernier, le Royaume-Uni a voté en faveur de son retrait de l’Union européenne. Passé
le moment de surprise, il convient d’analyser avec lucidité la situation de l’Union européenne et au-delà,
sa vocation. Le Royaume-Uni a intégré le système communautaire de façon tardive et imparfaite
bénéficiant de clauses d’exemptions et ne souhaitant ni intégrer la zone Euro, ni l’espace Schengen tout
en critiquant les actions européennes emblématiques comme la Politique agricole commune ou les aides
régionales. Ainsi, une partie des responsables britanniques conçoivent l’Europe comme un espace de
liberté principalement économique mais très peu comme un espace de solidarité. Or, cette dernière a
toujours été au coeur du projet européen. Elle se concrétise par les aides apportées par l’Europe aux Etats
membres mais également par les liens établis entre les Etats eux mêmes. Une des manifestations les plus
tangibles de cette solidarité est la mise en oeuvre de finances publiques européennes construites à partir
d’un budget commun. Regroupant des ressources issues des Etats membres et fondé, comme au plan
national, sur le principe d’universalité, selon lequel toutes les recettes financent toutes les dépenses, le
budget européen est l’expression même de la solidarité européenne.


En 1977, Daniel Strasser publiait la première édition de son ouvrage « Les finances de l’Europe ».
Alors Directeur général du budget à Commission européenne, l’auteur, devenu par la suite membre
français de la Cour des comptes, avait mis en lumière l’importance mais aussi la complexité des finances
publiques européennes. Dès l’origine, le budget européen se présentait comme un élément clef d’une
solidarité européenne construite à partir de la solidarité financière car les Etats membres mettaient en
commun des ressources qui n’étaient pas seulement dédiées au fonctionnement de l’administration

européenne mais qui autorisait aussi la mise en oeuvre de politiques fondatrices telles que la politique
régionale ou la Politique agricole commune.


Progressivement, les finances publiques européennes se sont transformées et modernisées tout en
accompagnant les mutations d’une Union européenne de plus en plus intégratrice mais subit des crises
politiques et financières susceptibles d’altérer la cohésion et la solidarité entre Etats membres comme
cela se produit actuellement avec le « Brexit ». Ainsi, alors que près de 40 années se sont écoulées depuis
la publication de l’ouvrage de D. Strasser, l’histoire n’est pas terminée. Confrontée à la fois aux
restrictions budgétaires nationales et aux nouvelles demandes de financement plus variées et plus
concrètes, la solidarité financière européenne est appelée à évoluer et à se réformer.
Consacré spécifiquement à la solidarité financière européenne, ce colloque doit permettre une
identification précise des enjeux actuels du budget de l’Union européenne, et au delà, de l’Union
européenne toute entière en confrontant les points de vue d’universitaires, de responsables politiques et
de fonctionnaires européens afin de dégager des lignes directrices pour l’avenir. Dans ce cadre, une
première séquence sera plus spécifiquement consacrée aux contours d’une nouvelle solidarité financière
européenne tandis qu’une seconde journée entend explorer les conditions de la solidarité financière dans
les territoires.


La question de la solidarité financière européenne part d’un constat : le budget de l’Union
européenne reste modeste en volume en comparaison des budgets nationaux car, en 2015, il s'élevait à
environ 141 milliards d’euros alors que la somme des budgets nationaux des 28 États membres se chiffre
à plus de 6 500 milliards d’euros. Toutefois, au delà de son importance réelle ou supposée, il porte en lui
une charge symbolique importante car il constitue la manifestation du lien établi entre les Etats membres.
Or, ce dernier semble se dégrader progressivement sous l’influence conjuguée des mouvements politiques
eurosceptiques, de la crise économique présente dans la plupart des Etats membres et de la difficile
gestion des frontières. En conséquence, un certain découragement peut s’emparer des responsables
publics impliqués dans un système institutionnel européen de plus en plus complexe, souvent hétérogène
et susceptible de renvoyer l’image d’une Europe « ingouvernable ». La critique, on l’a vu peut se
transformer en rejet par les peuples européens. En outre, la mondialisation des échanges est aussi un défi
à relever pour une Europe désormais en concurrence avec des puissances émergentes, en particulier en
Asie.

Aussi, le futur du budget de l’Union semble très incertain et cette incertitude rejaillit sur
l’indispensable solidarité européenne. Un premier questionnement survient à propos des actions à mener
à partir du budget commun : faut-il restreindre les moyens de financement pour les consacrer
exclusivement au fonctionnement de l’Europe ou bien faut-il, comme à l’heure actuelle, financer des
projets européens toujours plus importants et plus intégrés à l’aide de dépenses de transfert ? Cette
question représente un enjeu politique majeur car le financement de l’administration européenne ne
représente qu’un peu plus de 7 % du total des dépenses, le reste étant dédié aux dépenses d’intervention
majoritairement réalisées dans les Etats membres. Selon la nomenclature du cadre financier, ces dépenses
sont avant tout consacrées à l’établissement d’une croissance durable, au financement des actions de
conservation et de gestion des ressources naturelles, aux actions relatives à la citoyenneté, à la liberté, à la
sécurité et à la justice et enfin au soutien financier des actions de l’Union européenne en tant qu’acteur
mondial. Faut-il prévoir des soutiens financiers « de crise » ? Faut-il continuer à financer l’aide au
développement ? Peut-on envisager un accroissement des dépenses de sécurité ? Remettre en question ces
dépenses d’intervention changerait radicalement le poids et les capacités d’action de l’Union
européenne ; pour l’heure le choix a été fait du statu quo lequel se manifeste par une baisse relative du
budget de l’Union sur la période 2014-2020 mais l’incertitude demeure.


Une seconde interrogation résulte des modalités de financement du budget : le système des
ressources propres doit-il être pérennisé ? Est-il possible d’envisager de nouvelles ressources comme la
taxe sur les transactions financières…ou revenir au système des contributions des Etats membres ? Sur
ce point une étape majeure a été franchie au printemps 1970 avec le remplacement des contributions des
Etats membres par un système de ressources propres. Néanmoins, même s’il a évolué, le dispositif s’est
progressivement dégradé car la complexité et les correctifs apportés au système des ressources propres
l’ont rapproché in fine d’un système de quasi-contributions. Désormais, le système de financement repose
essentiellement sur un seul pilier, la ressource « Revenu national brut » calculée en fonction de la
richesse respective des Etats. Par ailleurs, les systèmes de financement hors budget sont pérennisés
comme par exemple les clefs de répartition du Fonds européen de développement ou les modalités de
participation au capital de la BEI. L’Europe attend donc un nouveau « big bang » financier. Tôt ou tard
reviendra la question d’un éventuel pouvoir fiscal dévolu aux institutions européennes et donc au
Parlement européen ce qui aura nécessairement des conséquences institutionnelles quant à la répartition
des pouvoirs et au rôle de la Cour de justice. Ces sujets interrogent finalement l’autonomie financière de
l’Union européenne et des futurs contours de la solidarité financière européenne.

Au delà des difficultés et de la complexité des modalités de financement, il convient de
s’interroger parallèlement sur la réalité et le caractère démocratique de la procédure budgétaire
européenne tout en identifiant les détenteurs réels du pouvoir financier au sein de l’Union européenne. Le
parallèle avec les budgets nationaux s’avère une tentative difficile tant les rapports de forces politicobudgétaires
sont dissymétriques. En effet, si le Parlement européen vote le budget annuel, ce dernier est
adopté avec le Conseil, les Etats gardant la maîtrise de l’évolution budgétaire pluriannuelle. Par ailleurs,
le Parlement ne dispose pas de la maîtrise des ressources budgétaires qui dépendent de décisions
« Ressources propres » adoptées selon une procédure législative spéciale puis ratifiées par les Etats.
Enfin, l’utilisation des fonds européens échappe pour l’essentiel à la maîtrise des institutions de l’Union
car elle dépend des administrations nationales et des pouvoirs locaux. Quelle doit être la place des Etats,
des lobbies dans ce dispositif ?


Pour renforcer la crédibilité et la confiance dans l’Union, son action financière doit être
consolidée par la mise en oeuvre de systèmes destinés à maîtriser la solidarité financière. Cela conduit à
définir les dispositifs de contrôles et d’évaluation propres à l’Union européenne mais également à
mobiliser les dispositifs nationaux au sein des Etats membres. Les politiques publiques inefficientes
doivent être identifiées et les fraudes au budget européen encore mieux détectées et sanctionnées.
Le cadre général de l’action financière européenne étant défini, un colloque consacré aux finances
de l’Europe doit aujourd’hui aborder une problématique qui n’était pas envisagée par Daniel Strasser, à
savoir l’influence de l’Union européenne sur les territoires qui la compose car la solidarité financière
européenne s’appuie sur les institutions nationales ainsi que sur les pouvoirs locaux. Cette manifestation
doit être l’occasion de procéder à une analyse approfondie des dispositifs de financement des politiques et
actions européennes quelle que soit leur forme : fonds, programmes, agences, prêts…Une telle diversité
constitue-t-elle un atout ou une faiblesse ? Il s’agira d’identifier avec précision les modalités et les
procédures mises en oeuvre par les différents niveaux politiques et administratifs. Ces structures
nationales sont conduites à « mobiliser les fonds européens », à « défendre leur projet » à Bruxelles. Cela
conduit à analyser la mise en oeuvre nationale de la solidarité financière européenne : quels sont les
moyens mobilisés pour bénéficier des aides européennes ? Quelles sont les procédures et les structures les
plus efficientes dans un tel contexte ? Cette démarche concerne au premier chef les administrations
centrales et locales mais également de plus en plus les pouvoirs locaux. Il convient de faire le point sur
les responsabilités endossées par ces derniers et les différentes autorités de gestion. Quel est le véritable
poids des collectivités territoriales dans ces dispositifs ? Des actions innovantes pourront être évoquées,
développées et soutenues.

Enfin, dans sa déclaration fondatrice du 9 mai 1950, Robert Schuman soulignait la nécessité
d’actions concrètes susceptibles de donner corps au projet européen : l’Europe « se fera par des
réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait ». Ce constat n’a jamais été démenti depuis lors
car l’adhésion au projet européen passe inévitablement par des réalisations tangibles au sein des
territoires. Ce colloque sera l’occasion de se pencher sur des actions soutenue par l’Europe dans les
territoires. Extrêmement diverses et parfois inattendues, elles donnent pourtant corps au projet européen
construit à partir et pour l’action locale.


Les différentes communications pourront s’insérer dans les grandes thématiques suivantes :


1. La solidarité par la dépense : un budget pour quelles politiques ?
2. La ressource comme condition de la solidarité : quelles ressources pour le budget de l’Union
européenne ?
3. Décider la solidarité financière : quel pouvoir financier dans l’Union européenne ?
4. Maîtriser la solidarité : l’Europe face aux risques financiers
5. Les instruments financiers
6. La mise en oeuvre nationale de la solidarité financière européenne
7. La solidarité financière européenne et les pouvoirs locaux
8. L’expression de la solidarité financière européenne dans les territoires : quelles actions
concrètes?


Les projets de contributions (2 pages maximum) seront adressés aux responsables du colloque par
courriel avant le 30 septembre 2016.

Corinne DELON-DESMOULIN
Maître de conférences en droit public – HDR- HC
Université de Rennes 2 – CIAPHS et Centre d’excellence Jean Monnet de Rennes
corinne.delon@uhb.fr


Gil DESMOULIN
Maître de conférences en droit public – HDR- HC
Sciences Po Rennes – CIAPHS et Centre d’excellence Jean Monnet de Rennes
gil.desmoulin.1@sciencespo-rennes.fr
Elles seront examinées par le comité scientifique qui arrêtera le programme définitif.

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