cours quatrième année

Crises systémiques et transitions

Infos

Discipline : Sciences sociales
Nom de l’enseignant : Frédérick LEMARCHAND
Nombre d’heures : 22H - Semestre 2
Nature et forme de l’épreuve : CT - Oral ** -H
ECTS : / cursus international :
Code Erasmus :

Descriptif :

1 - « Catastrophe et société » et collapsologie (5H)

L’approche catastrophiste, qualitative et complexe, développée par la philosophie ou la socio-anthropologie en réaction au concept de risque qui tend à nous éloigner de nos responsabilités, mériterait d’être ressaisie par les gestionnaires et producteurs des nouveaux risques totaux, sans quoi les catastrophes risquent de se reproduire. Parmi les premiers à avoir lancé l’alerte depuis Ivan Illich, Jacques Ellul et surtout Günther Anders le philosophe allemand Hans Jonas a élaboré dans les années 1990 un « principe responsabilité » qui, accordant une valeur heuristique à la peur, constituerait le socle d’une éthique de la responsabilité. Insistant sur la vulnérabilité de l’espèce humaine et soucieux des générations à venir, Jonas a proposé une analyse rigoureuse des conséquences qui pourraient découler de « l’excès de puissance » dont dispose « l’homme moderne », et a montré «comment « cette formidable réussite (...) menace de s’inverser en catastrophe par destruction de sa propre base naturelle » .

Le rétablissement du paradigme de la catastrophe (en grec, « renversement » et « chute », mot qui désigne le dernier acte de la tragédie, le moment du retournement de situation), contre celui du risque calculable, a donné lieu à une littérature abondante et stimulante. Citons les travaux du philosophe du philosophe et polytechnicien Jean-Pierre Dupuy lequel, inspiré de Jonas et d’Anders, considère que ni notre action ni notre imagination ne sont à la hauteur de ce que nous savons (sur la prolifération nucléaire, l’effondrement de la biodiversité, le changement climatique….

Développée en France par l'Institut Momentum, créé par Yves Cochet qui définit l'effondrement comme « le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi2 », nommé et porté à la connaissance du grand-public par Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur essai : Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes3, publié en 2015, la collapsologie se présente comme un exercice transdisciplinaire faisant intervenir l’écologie, l’économie, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, la biophysique, la biogéographie, l’agriculture, la démographie, la politique, la géopolitique, l’archéologie, l’histoire, la futurologie, la santé, le droit et l’art4. Cette approche systémique s’appuie sur des études de prospective, à l'instar du rapport Meadows (1972), des rapports sur l'état des tendances mondiales et régionales dans le domaine environnemental, social et économique (comme les rapports Global Environment Outlook (GE) périodiquement publiés sur l'état de la planète publiés par la Division de l'alerte rapide et de l’évaluation du Programme des Nations unies pour l'environnement de l'ONU…), de nombreux travaux scientifiques1 ainsi que de diverses études, telles que « A safe operating space for humanity » 5 ; « Approaching a state shift in Earth’s biosphere »6, publiées dans Nature en 2009 et 2012, ou encore l’article « The trajectory of the Anthropocene: The Great Acceleration »7, publié en 2015 dans la revue scientifique The Anthropocene Review).

 

2 - « Les Grands enjeux environnementaux » (5H)

Le terme d’anthropocène désigne, pour le géologue Paul Crutzen, l'époque de l'histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l'écosystème terrestre qui débouche sur l’Ere thermo-industrielle (Jacques Grinevald) ou encore l’exubérance énergétique (Yves Cochet). Nous dresserons un bilan écologique, sociologique et anthropologique de cent ans de développement de l’industrialisme, de la « Mégamachine » (Lewis Mumford, 1967) à la « Technoscience » (Gilbert Hottois, 1970).


3 – Ecologie et sociologie : la question du sort des paysans comme question politique (5H)

La disparition programmée des paysans est certainement l’une des mutations les plus importantes qu’aie connue l’humanité, non seulement depuis les Temps modernes, mais depuis le Néolithique. Nous reprendrons, à partir d’une réflexion sur la question de l’arrachement à la Terre – ou la « horsolisation » - la problématique écologique, littéralement « entre ciel et terre », entre besoin d’enracinement et nécessité d’un universalisme. Toute société est confrontée à cette question d’équilibre, et la crise de la modernité au XXème siècle nous a placé face à nos responsabilités : celle notamment de gérer dialectiquement cette question pour échapper d’un côté aux risques d’une horsalisation totale (posthumain) et de l’autre à un retour des fondamentalismes (religieux et/ou politiques).

Nous tenterons de montre, dans ce cours, en quoi la sociologie, comme critique romantique de la modernité, n’a cessé de reprendre cette question à son compte.

 

 4 - Sociologie et anthropologie des sciences et des techniques (5H)

Nous explorerons en premier lieu les mutations historiques de la Science depuis la Renaissance, comme projet d’autonomie de la connaissance rationnelle… jusqu’à la naissance de la Technoscience, opératoire et performative au XXeme siècle. Certaines séances seront organisées sous la forme de travaux dirigés (documents vidéo).

Dans un second temps, nous aborderons l’anthropologie des techniques avec l’idée de déconstruire l’évolutionnisme technique tel qu’il a accompagné l’idée de Progrès depuis le XIXème siècle, en prenant appui sur les travaux d’anthropologues de techniques (Gras, Creswell).

Nous aborderons enfin la question de ‘autonomisation de la techniques (Ellul, Mumford), son lien avec les formes de l’histoire, ses conséquences anthropologiques (Anders) et politiques. Peut-on, dès lors, concevoir une « science citoyenne » ?

 

INVITATION

Pour information : au semestre 2, les étudiants intéressés seront invités à assister au séminaire commun Anthropologie fondamentale que j’animerai sur Les limites de l’humain.

De quoi serait constituée l’anthropologie d’une humanité qui n’aurait foi ni dans un Dieu, ni dans l’Homme, ni dans le Progrès (technique) ? Nous reprendrons, au cours de ce séminaire, les grandes questions sur lesquelles débouchent la mise en œuvre u projet de transformation de l’humain par la technique (intelligence artificielle, prothétique, etc.) plus communément nommé posthumain. Du mouvement transhumaniste au développement plus discret et pernicieux des techniques d’augmentation du corps, sans oublier le développement des réseaux de données (big data), nous alternerons séances de cours/réflexions théoriques et exposés de conférenciers invités dont les recherches touchent de près ou de loin au domaine.

Bibliographie :

1 - « Catastrophe et société » et collapsologie (5H)

H.Jonas, Le Principe responsabilité, Cerf 1992

J .-P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Seuil, 2002

Treshenko Un si fragile vernis d’humanité, La Découvert, 2007

Walter Catastrophes, Seuil, 2008

 

2 - « Les Grands enjeux environnementaux »

Penser la décroissance, Dir. Agnès Sinaï, Presse de Sc Po, 2013.

Économie de l’après croissance, Dir. Agnès Sinaï, Presse de Sc Po, 2013.

L’Age de la transition. Dir. D. Bourg et alii, Les petits matins, 2016.

 

3 – Écologie et sociologie : la question du sort des paysans comme question politique

Lowÿ, R. Sayre, Révolte et mélancolie, Payot, 1992

Alphandery et alii, L’équivoque écologique, La Découverte, 1991.

Bitoun et alii. , Le sacrifice des paysans, L’Echappée, 2016.

 

4 - Sociologie et anthropologie des sciences et des techniques

Pestre D., Introduction aux Science Studies, La Découverte, Coll. Repères 2006

Ch. Bonneuil, D. Pestre, « Le siècle des Technosciences », in Histoire des Sciences et des savoirs, t.3, Seuil, 2016.

Creswell, Prométhée ou Pandore ?, Kimé ,

Gras, Le Choix du feu, Fayard, 2007

Anders, L’Obsolescence de l’homme, t. 1, Encyclopédie des nuisances, 2002.

L'Obsolescence de l'homme. Tome II. « Sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle », Fario, 2011.